Au lieu de se laisser abattre pendant le confinement, de nombreux commerçants essaient de trouver des idées originales. Voici comment j’ai accompagné un food truck dans la mise en place d’un nouveau concept grâce à WordPress et WooCommerce.
Sommaire du cours
En cette période de confinement, tous nos acquis ont été mis à mal. Pourtant ce n’est pas une raison pour se laisser abattre. Certains en profitent pour apprendre de nouvelles choses, et d’autres pour lancer de nouveaux concepts.
Il ne faut pas laisser ces contraintes nous bloquer. Au lieu de cela on peut essayer de redoubler d’ingéniosité et trouver de nouvelles voix. Même si ce n’est pas toujours possible, bien entendu.
Dans cet article, je vous raconte la mise en place d’un concept confinement-proof pour un commerçant local grâce à des techniques agiles et produit minimum viable.
Par cette étude de cas j’espère vous transmettre des idées et des méthodes pour imaginer, tester et mettre en place rapidement un projet.
Embrasser les contraintes
Une de mes connaissance, Emeric, possède un Food Truck sur Grenoble, et comme beaucoup il est complètement à l’arrêt depuis le confinement. Il intervient habituellement les midis dans les zones professionnelles. Et ses burgers sont une référence dans la vallée.
Pour continuer de travailler pendant le confinement, il s’est mis à la recherche d’idées.
Sa première était d’envisager de travailler plutôt le soir, et faire livrer ses plats par un service comme Deliveroo. Mais il y a plusieurs problèmes :
- Le premier c’est que Deliveroo ne couvre qu’une petite zone à Grenoble (et pas ses environs) ce qui limite trop les possibilités ;
- Le second, et pas des moindres, c’est qu’il doit garder sa fille ! Comme beaucoup, difficile de travailler à plein temps en devant garder un enfant.
Il a donc tenté de trouver une solution à la fois rentable, efficace et moins contraignante.
Sa seconde idée a été de proposer des box contenant les ingrédients des burgers, livrées le vendredi avec une fiche recette.
- La préparation des matières premières et leur emballage ne prend pas trop de temps ;
- En ne livrant que le vendredi, veille de week-end, il assure une forte demande et pas une nécessité de travailler toute la semaine ;
- Pas besoin d’allumer les planchas et faire cuire quoi que ce soit, c’est le client qui cuisinera lui-même son burger.
Voilà une bonne idée ! Il m’a ensuite contacté pour me faire part de l’idée, et discuter de la possibilité de faire un des commandes en ligne.
L’approche « Projet Minimum Viable »
Dans le jargon start-up, le MVP (minimum viable product) désigne le minimum de choses à mettre en place pour tester un concept et voir s’il marche. Ici il fallait :
- Voir si la préparation et la livraison étaient réalistes d’un point de vue logistique ;
- Confirmer qu’il y avait de la demande pour ce concept de Box « Do it Yourself ».
En règle générale, lorsqu’un porteur de projet va voir un prestataire, il apporte la vision globale et idéale de son projet, et souvent il est tenté de vouloir la réaliser tout de suite. C’est le meilleur moyen pour se planter.
La bonne approche, c’est de se poser, réfléchir aux contraintes, et trouver quell est le minimum à réaliser pour tester son marché. C’est d’autant plus vrai dans ce contexte de confinement et de contraintes poussées.
Il faut avancer d’un pas, faire le point, décider du prochain pas, et ainsi de suite. Comme ça, il sera beaucoup plus simple pour changer de direction en cas de besoin, et réajuster. Car si au contraire vous faites une boule de neige (un gros projet) et que vous la lancez dans la pente (lancer le projet une fois fini seulement) alors bon courage pour lui faire changer de direction.
Première étape : tester le concept sur le marché
La toute première chose à faire donc, c’est de tester le concept le plus rapidement possible.
Donc il fallait réussir à tester sans pour autant réaliser un site e-commerce complet, dans un premier temps.
La première semaine, Emeric a fait une simple annonce sur sa page Facebook et Instagram, présentant le concept de livraison de box à cuisiner soi-même (à la façon de Quitoque).
Les gens ont commandé par e-mail, et payé à la livraison. Livraison qui a d’ailleurs été limitée à Grenoble et ses alentours proches.
Tout ce qu’il fallait en plus des ingrédients, c’était une fiche recette pour accompagner la Box. La graphiste a pu en réaliser une sympa rapidement.
Par contre il y a des aspects sur lesquels il ne pouvait pas prendre de raccourci : l’hygiène, la fraicheur des produits. Des masques et gants ont donc été utilisés et changés entre chaque client livré.
Emeric a également trouvé une application Android qui lui permet de calculer l’itinéraire idéal en fonction de plusieurs adresses. une dizaine d’euros bien dépensés !
Cette première étape s’est couverte de succès avec plus de 100 box commandées ! Et grâce au hashtag #cuisinetonrhino
et au partage de photos sur les réseaux, la nouvelle s’est propagée rapidement pour faire des envieux et assurer des commandes les semaines suivantes.
Un marketing somme-toute simple, basé sur le bouche à oreille, mais très efficace lorsqu’on possède déjà une base de fans prêts à vous aider.
J’ai pu moi-même essayer le concept et j’avoue que cuisiner des burgers aussi bons, c’est très gratifiant !
Deuxième étape : trouver la prochaine étape !
Lorsqu’on développe un projet grâce aux méthodes agiles, on parle de sprint. Le premier sprint était de tester le marché, et il a été validé. C’est seulement à partir de ce moment qu’on prend du recul et qu’on essaie de voir quelle sera la prochaine étape.
Et pour cela il faut définir quel a été le point le plus bloquant dans le sprint précédent. Et il s’avère que c’était la livraison.
Ok du coup plusieurs choix s’offrent à nous :
- Prendre un prestataire de logistique réfrigéré ;
- Continuer à livrer soi-même mais optimiser le process.
Pour le prestataire, ça risque de prendre du temps à organiser, et coûter cher. Il faut de grandes quantités à livrer pour que le coût devienne abordable.
Il faut donc optimiser le process. Mais comment ?
- Regrouper les commandes dans des points relais ?
- Gagner du temps sur chaque livraison ?
Le problème c’est que les commerçants sont fermés. Les points relais pourraient être des bouchers par exemple, qui proposeraient eux-même leur steak haché du coup pour y trouver leur compte.
C’est une bonne idée mais on décide de la garder pour plus tard. A la place, on va tenter de faire gagner du temps à Emeric sur les livraisons.
Ce qui prend le plus de temps, c’est le paiement, surtout qu’il faut désinfecter le terminal de paiement entre chaque client.
Du coup c’est ça qu’on va améliorer : les paiements se feront à l’avance, à partir du site Internet via une plateforme e-commerce.
Troisième étape : mise en place du site e-commerce
Du coup on tient notre prochaine étape : améliorer le site afin d’intégrer une dimension e-commerce. Autant c’était trop tôt pour le faire tout de suite, autant maintenant, il y a un intérêt.
Le site va avoir plusieurs avantages :
- Présenter le concept en détails ;
- Répondre aux interrogations via une FAQ (modalités de livraison, zones couvertes…) ;
- Et permettre de pré-commander et payer en ligne.
Donc en plus de clarifier la communication, les gens vont pouvoir payer en avance, ce qui sera autant de temps gagné sur la livraison.
C’est donc à moi d’intervenir sur cette partie. Le site initial du Black Rhino est fait avec WordPress. On va donc pouvoir assez facilement ajouter de l’e-commerce grâce à l’extension WooCommerce.
L’alternative pour quelqu’un sans site aurait été de créer sa boutique via Shopify.
Maintenant il faut réfléchir aux contraintes, le but n’étant pas de monter une usine à gaz, mais de trouver le strict minimum pour être fonctionnel.
Ayant un planning chargé, l’objectif pour moi était de réussir la mise en place d’une telle plateforme en moins d’une journée de 8h. Voici les différentes contraintes :
- Gestion des produits et des commandes ;
- Paiement en ligne sécurisé ;
- Gestion des taxes (TVA) ;
- Option steak végétarien pour la box ;
- Frais de livraisons au forfait en fonction de zones géographiques ;
- Limitation de la zone de livraison à certaines villes ;
- Commande minimale de 3 box Burger ;
- Export des commandes avec adresses de livraison ;
La gestion des produits et des commandes est intégré par défaut dans la version gratuite de WooCommerce, ainsi que la gestion des taxes, donc voici deux soucis de moins.
Pour le paiement en ligne, j’ai mis en place Stripe car c’est à la fois le plus simple à configurer, le plus sécurisé et le plus abouti des systèmes de paiements en ligne.
Pour le choix du steak végétarien, j’ai créé ce que l’on appelle une variation de produit, ce qui permet d’ajouter le choix avant l’ajout au panier. Ça aussi, c’est disponible nativement.
Petit bémol tout de même : on ne peut pas d’un coup sélectionner 3 steaks de boeuf et 1 végétarien par exemple. Il faut absolument le faire en deux fois. Mais cela pourra être amélioré plus tard au travers d’un add-on à 49$ (un module additionnel).
En ce qui concerne les frais de livraison, ça peut vite être compliqué avec WooCommerce, si le frais dépend du poids, de la taille, de la distance, il faut partir sur un add-on payant, et dans ce cas les licences sont vites chères (à partir de 99$ par an).
Heureusement ce n’était pas le cas ici, car c’est un coût de livraison au forfait en fonction de zones géographiques. Il est d’ailleurs possible de délimiter des zones par ville en fonction de codes postaux.
En ce qui concerne le nombre minimum d’achats (3 box par commande), ce n’était hélas pas possible nativement. On a du opter pour un add-on officiel, mais celui-ci ne coûtait que 29$, donc autant dire rien du tout pour le bénéfice apporté.
C’est d’ailleurs la seule dépense faite pour le site.
Enfin, j’ai opté pour une extension gratuite pour permettre l’export des commandes dans un fichier (Excel, CSV, PDF).
Advanced Order Export For WooCommerce
Export WooCommerce orders to Excel/CSV/XML/JSON/PDF/HTML/TSV
L’avantage d’un tel document, c’est de pouvoir l’importer dans Excel, classer par code postal, afin de simplifier l’organisation des livraisons !
Même si je suis développeur, je n’ai dû ajouter que quelques lignes de code pour répondre au besoin. Sinon, pour tout le reste, j’ai pu m’en sortir avec des extensions et configurations diverses. Et ça n’aurait pas été possible il y a 10 ans en arrière !
Et voilà, toutes les contraintes sont validées.
Faire une boutique en une journée ? Possible ! Mais…
Bien sûr, ça ne marche que si le client vous fait 100% confiance, et comprend que tout ne sera pas parfait tout de suite. L’approche MVP n’est possible qu’avec un client philosophiquement compatible avec les méthodes agiles.
Quatrième étape : optimiser encore
Après ce second sprint, il faudra faire à nouveau le point, et voir quels sont désormais les points à améliorer.
Il y aura par exemple les conditions générales de vente ainsi que la politique de confidentialité.
Car en effet, pour l’instant elles n’y sont pas, et ce n’est pas très légal. Il faudra contacter un juriste et faire le nécessaire. Mais ne sous-estimez jamais cette partie dans la création d’une boutique.
Pour être en règle au niveau RGPD, il faut une cartographie des données personnelles stockées par le prestataire. Lors d’une commande, les données passent : par le site, par le système de paiement mais aussi par l’application permettant de générer l’itinéraire idéal.
Est-ce que cette dernière est faite en UE ? Respecte-t-elle les données utilisateurs ? Est-ce qu’ils utilisent un service externe comme Google Maps (est-ce que lui-même respecte les règles ?). Bref, il faut impérativement maitriser le flux de données afin de garantir la confidentialité des données clients.
Il y aura aussi d’autre problématiques avec le recul : que faire s’il y a trop de commandes ? Ouvrir une livraison le jeudi ? aura-t-on assez de stocks ? Faudra-t-il répartir la livraison avec un deuxième membre de l’équipe ?
Bref, le projet pourrait encore grandement évoluer, il faut donc rester attentif aux problématiques et tenter de les optimiser au fur et à mesure, étape par étape.
Conclusion : un concept pérenne
Si le concept continue de marcher, il pourra être maintenu même après le confinement. Beaucoup de clients s’imaginent déjà proposer cet été un barbecue à leur amis, et leur préparer les fameux burgers du Black Rhino, cuisinés à la maison devant leurs yeux !
En tant normal, ce projet serait resté au placard car les métiers de la bouche sont en général un éternel marathon. Il aura donc fallu ce confinement, et le considérer comme une opportunité pour tester, apprendre, et expérimenter.
Même si un tel cas est loin de s’appliquer à tous les métiers, dont certains resteront à l’arrêt jusqu’au bout, prenez tout de même le temps de réfléchir, c’est le moment où jamais d’imaginer un nouveau concept !
Si vous êtes dans une situation équivalente, n’hésitez pas à me contacter, je ne pourrais peut-être pas aider tout le monde, mais j’essaierai d’apporter mon expérience et vous donner des conseils.
Mon planning ne me permettra par contre pas de m’occuper de la partie technique, mais je pourrais vous conseiller des collègues pour l’exécution de votre projet.
Olivier
Le 21 avril 2020
Bravo pour ce site, et bravo pour cette idée de diversification !
Maxime BJ
Le 21 avril 2020
Merci 🙂
Julien Deret
Le 22 avril 2020
Chouette article. Ça fait du bien de voir enfin du positif pendant cette crise 😉 Notre petite initiative perso lancé il y a quelques jours également : https://artisanlivreur.fr/
Maxime BJ
Le 22 avril 2020
Waou ! Gros projet ! Vraiment bien réalisé !
Jb Audras
Le 23 avril 2020
Top cet article, dommage, à une pandémie près, j’aurais pu avoir le plaisir d’y goûter 🙂
Bah, je passerai faire coucou un jour !
Et on mangera des burgers 😀
(faudra juste que Rachel se prenne un tup’)
😉
Villechange
Le 24 avril 2020
Bonjour et bravo. J’ai également réalisé un site de vente pour les commerçants du marché de ma région pour les aidés à continuer à vendre même pendant la crise…
shop-lcr. com
Bonne continuation